Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.
Pour bien comprendre la parabole d’aujourd’hui, il est important d’en découvrir le personnage central. Ce n’est ni Lazare, ni les cinq frères... c’est le « riche qui porte des vêtements de luxe et fait chaque jour des festins somptueux ».
Si nous lisons attentivement le texte, nous pouvons nous rendre compte que le Christ n’est pas contre la richesse mais il nous met en garde : « La richesse peut facilement nous rendre aveugle ». Le riche mis en scène ne semble même pas s'apercevoir du pauvre homme qui est dehors, couvert de plaies, couché devant son portail.
Il est intéressant de constater qu’on ne dit pas que le pauvre est vertueux, et que le riche est pervers. Le riche n'est pas accusé de voler Lazare, de ne pas lui payer un juste salaire, de le maltraiter, ou de l’exploiter... simplement, il ne l'a pas vu! Il a laissé s'établir un abîme profond entre lui et le pauvre malade.
La fortune qui souvent rend aveugle sur la misère des autres, peut aussi nous rendre aveugle sur notre propre fragilité humaine. La mort vient nous rappeler périodiquement que les richesses ne peuvent pas toujours nous protéger.
Ces dernières années, les médias ont souvent parlé de cet aveuglement vis-à-vis des autres : des C.I.O. qui encaissaient des salaires faramineux, pendant que la compagnie qu’ils dirigeaient, allait vers la faillite. La cupidité de quelques uns a provoqué la pire crise économique depuis la grande dépression de 1929. Elle a déstabilisé l’économie mondiale. Des millions d’emplois perdus et des fonds de pension qui sont disparus comme par enchantement. Plein de gens ont vu leur maison reprise par la banque et ils se sont retrouvés dans la rue. Cette cupidité débridée a causé le malheur d’innombrables familles à travers le monde.
Beaucoup de gens, nous dit la parabole d’aujourd’hui, vivent dans une sorte d'anesthésie spirituelle. Les valeurs évangéliques sont absentes de leur vie. « Quelqu'un pourrait bien ressusciter d'entre les morts, dit Jésus, ils ne seront pas convaincus». La richesse et les privilèges ont creusé un gouffre profond entre eux et Dieu, entre eux et ceux qui souffrent.
Une autre révélation de la parabole du riche propriétaire : Le jugement ne vient pas à la fin de notre vie. C’est maintenant que tout se passe. C’est maintenant que nous sommes solidaires avec ceux et celles dans le besoin, ou que nous creusons un abîme profond entre eux et nous. Le riche avait les moyens de retourner la situation sur la terre et il ne l'a pas fait. C'est là son tort, c'est là qu'il a figé la situation. Le Jugement est une simple constatation de ce qui s’est passé dans sa vie : « J’avais faim, vous ne m’avez pas donné à manger, j’étais nu, vous ne m’avez pas vêtu, malade ou en prison et vous n’êtes pas venus me visiter… »
Le riche de la parabole a perdu l’occasion propice... maintenant il est trop tard. Il a passé sa vie en futilité, en vêtements de luxe, en festins savoureux, en célébrations extravagantes. Il a complètement oublié la solidarité qu’il devait avoir envers les autres! « À la fin de la vie, tout ce que l’on pourra prendre avec soi, sont les objets partagés avec ceux et celles dans le besoin. »
Une autre leçon de la parabole d’aujourd’hui : ne pas négliger la parole de Dieu.
«Si j’avais su, j’aurais agi autrement»… «S’il vous plait, envoyez quelqu’un avertir mes cinq frères…» Et Dieu répond : « Toi et tes frères, vous auriez dû savoir »… Il y a Moise et les prophètes, il y a Amos et Jésus; il y a l'Évangile. Si le riche avait écouté ce que le Christ avait à dire, il serait devenu le bon Samaritain. La parole de Dieu est à la portée de tous. Si nous refusons d’écouter cette parole, les miracles ne nous aideront pas non plus. « Même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne se convertiront pas, ils ne changeront pas leur façon de vivre ! » La résurrection de Lazare, le frère de Marthe et Marie, loin de convaincre les pharisiens et les chefs des prêtres, n'a fait qu'accélérer leur décision de supprimer Jésus (Jean 11, 45-53).
Moïse et les prophètes ont répété constamment : « partagez, soyez bons pour les étrangers, respectez l’année sabbatique, venez en aide à ceux qui sont dans la misère, utilisez vos talents pour créer un monde meilleur». Le seul chemin véritable vers la foi n'est pas le miracle, c'est l'humble écoute de la Parole de Dieu et le regard attentif vers nos frères et sœurs qui souffrent.
Il ne faut pas compter sur les apparitions ou sur les miracles pour ouvrir les yeux et le coeur des hommes.
Il n’est pas nécessaire d’aller dans les pays du Tiers-Monde pour trouver des gens dans le besoin. Il existe autour de nous des familles pauvres, des malades, des personnes âgées qui souffrent de solitude, des gens sans emploi, des alcooliques, des jeunes désorientés, des familles monoparentales qui ont besoin d’un coup de main.
Nos péchés d’omission, notre incapacité de voir la réalité et nos refus de venir en aide sont sans doute les fautes les plus graves que nous commettions.
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-C/R-C54-dim26.htm