Jean Baptiste se trouve au coeur de la liturgie des deuxième et troisième dimanches de l’Avent. La semaine prochaine, nous entendrons son message, son appel à la conversion. Aujourd’hui c’est de sa mission de prophète qu’il s’agit. Pour décrire cette mission, Luc cite la prophétie d’Isaïe : «Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies ; et tous les êtres humains verront le salut de Dieu.»
Le texte suggère un monde où les fossés entre les gens, entre les classes sociales, entre les peuples seront comblés, un monde où l’égalité de tous devant Dieu sera respectée. Un monde tout autre que celui des Tibère, Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, Anne et Caïphe. Leur monde est soumis aux conquêtes, aux oppressions et aux inégalités. Dans le Royaume de Dieu, tous ces abus de pouvoir disparaitront : «Tous les êtres humains verront le salut de Dieu».
Comme tous les évangiles, celui de S. Luc n’est pas un reportage historique mais un témoignage de foi. Pourtant, la méticulosité avec laquelle il situe le cadre historique de l’activité de Jean Baptiste donne au récit un caractère très incarné dans le temps et dans l’espace. On voit défiler solennellement les têtes couronnées de l’époque : l’empereur Tibère, le préfet Ponce Pilate, les roitelets de la région Hérode, Philippe et Lysanias, les pontifes Anne et Caïphe. Cette longue liste nous fait sourire : Jean Baptiste à côté des grands de ce monde fait pâle figure. Mais, après deux mille ans, Jean Baptiste est toujours écouté, imité, célébré, alors que les statues de Tibère, l’empereur tout-puissant, croupissent dans de rares musées, rongées par le temps et l’indifférence générale.
Que sont devenus les grands de ce monde : Alexandre, César, Charlemagne, Louis XIV, Napoléon? Connaîtrait-on seulement l’existence de Ponce Pilate et d’Hérode sans le récit des évangiles? Quelle place tiennent les grands de ce monde dans le coeur des gens? Dans cent ans, qu’en sera-t-il de nos dirigeants les plus populaires? Ils occuperont peut-être quelques centimètres carrés au Panthéon de la gloire.
Après avoir souligné l’aspect éphémère des grands de ce monde, Luc met l’accent sur la parole de Dieu qui se fait entendre, non par l’empereur romain, ni par le gouverneur de Galilée, ni par les tétrarques du temps, ni par les grands prêtres du Temple, mais par Jean le baptiste. Cette parole de Dieu «descend» sur le fils de Zacharie, dans le désert. Elle nous parviendra à travers les siècles grâce à ce prophète du Seigneur. Encore aujourd’hui, c’est souvent grâce à des gens très simples : ceux et celles qui visitent les malades, ceux et celles qui s’occupent de leurs parents malades, ceux et celles qui apportent la communion, ceux et celles qui partagent leurs faibles revenus, que nous parvient la parole de Dieu!
Le désert où se trouve Jean baptiste est un lieu de dépouillement où les titres et les privilèges disparaissent, où chacun et chacune se dévoile tel qu’il est, dans toute sa nudité, en retrouvant sa propre identité.
La parole de Dieu «descend sur Jean». Toute la période de l’Avent tient dans ce mot : «recevoir la parole de Dieu», écouter cette parole qui transforme, qui fait de nous des femmes et des hommes nouveaux. Grâce à cette parole, le Christ devient pour nous «le chemin, la vérité et la vie». L’évangile d’aujourd’hui confirme ce que Paul dira aux Romains : «La pédagogie de Dieu choisit ce qu’il y a de plus faible pour confondre les forts».
Hier comme aujourd’hui, l’Histoire avance grâce à des hommes et des femmes de charisme qui ont écouté la parole de Dieu :
- au 6e siècle, saint Benoît, à travers ses monastères, évangélise l’Europe;
- au 13e siècle, François d’Assise, qui n’a vécu que 26 ans, change radicalement l’Église de son temps;
- au 14e siècle, Catherine de Sienne, ramène le pape Grégoire XI d’Avignon à Rome;
- au 16e siècle, Thérèse d’Avila et Ignace de Loyola renouvellent la vie religieuse;
- au 20e siècle, le frère André ravive la foi et l’espérance des foules;
- ces dernières années, Teresa de Calcutta donne un nouveau visage à la tendresse de Dieu.
La parole de Dieu est descendue sur ces héroïnes, sur ces héros, et le monde a été transformé. Aujourd’hui, la parole de Dieu «descend sur chacune et chacun d’entre nous».
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-C/R-C02-avent2.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.