Aujourd’hui, nous avons beaucoup de difficultés à saisir le sens de la fête du Christ Roi. Nous vivons dans un pays démocratique et la royauté est pour nous une réalité du Moyen Âge. Ce dernier dimanche de l’année liturgique ne nous parle pas des royautés que nous connaissons mais d’une royauté de service, celle du Christ.
Lorsque Jésus est livré à Pilate, sous prétexte qu’il se dit «roi des Juifs», le procureur romain se rend compte très rapidement que cet homme n’est pas dangereux. La question de la royauté parait ridicule. Le Christ n’a ni armée, ni gardes du corps, ni terres à défendre ou à conquérir. Il n’écrase personne, n’oblige personne à le suivre. Il est le genre de roi, nous dit l’évangile, «qui laisse le soleil se lever sur les justes et les injustes».
Dans ses rencontres avec la foule, Jésus a expliqué qu’il y a deux modèles de pouvoir : l’un basé sur le profit, la corruption, la force et la violence et l’autre sur le service, la tendresse, la miséricorde et le pardon. Habituellement nous retrouvons le premier modèle dans notre monde de cupidité, avide de pouvoir. Mais le Christ insiste sur le fait qu’il existe une alternative à ce modèle injuste et abusif.
Jésus affirme que la base du pouvoir doit être «l’amour de la vérité» : «Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Toute personne qui appartient à la vérité écoute ma voix.» Pilate demande alors à Jésus : «C’est quoi la vérité?», et il s’éloigne avant même d’avoir entendu la réponse. Il n’est pas intéressé à cette vérité parce qu’il n’a rien en commun avec elle. Le représentant de Rome est aux antipodes de la vérité. Il sait que Jésus est innocent, mais il le condamne quand même à la flagellation : «Je ne trouve rien de mal en cet homme... donc je vais le faire flageller et ensuite je le relâcherai». Vous voyez la logique : Cet homme n’a rien fait de mal, donc je vais le faire fouetter. Nous savons que plusieurs personnes mouraient suite à la «flagellation» qui était une punition cruelle et une forme extrême de torture.
Pilate représente l’ambigüité du pouvoir. Il condamne Jésus à être flagellé, le traîne devant la foule avec une couronne d’épines sur la tête, un manteau pourpre sur les épaules, un bâton dans la main comme symbole de royauté. Finalement, il le condamne à être crucifié. C’est plus facile de massacrer un innocent si on le présente d’abord comme un imbécile ou un criminel!
Après avoir condamné Jésus, Pilate se lave les mains pour montrer qu’il est innocent du jugement qu’il vient de prononcer. Aucun lavage de mains ne pourra l’exonérer de ce jugement injuste. Lui seul, comme représentant de Rome, avait le pouvoir de mettre Jésus à mort. Il est tout à fait responsable de cette parodie de justice. Par peur d’être accusé de protéger un prétendu roi, il cède aux demandes des dirigeants religieux. Comme Lady MacBeth, il essaie ensuite de laver ses mains meurtrières du sang innocent.
Les Pharisiens et les Prêtres qui traînent Jésus devant Pilate ne croient pas non plus à la vérité. Ils refusent d’entrer dans le prétoire afin de ne pas devenir «impurs», ce qui les empêcherait de célébrer la fête de Pâques dans le Temple. Cependant, ils sont tout à fait prêts à «devenir impurs», en faisant condamner un innocent au supplice de la croix.
En réalité, dans ce procès qui est une moquerie de la justice, c’est Jésus qui juge Pilate et les Pharisiens. Il démontre que le procureur romain est un esclave du pouvoir et que les Pharisiens sont des hypocrites et des sépulcres blanchis.
Face aux silences crapuleux, aux mensonges coupables du monde, le Christ reste fidèle à la vérité. Pour lui, être roi, c’est être capable d’agir avec courage, selon la vérité. Il nous oblige à repenser nos idées sur le pouvoir du monde. Son règne n’est pas basé sur les contributions généreuses des grosses compagnies, sur la collusion et la corruption des fonctionnaires de l’État, sur l’influence des groupes de pressions, sur la complicité des compagnies d’armements qui grugent les budgets de pays pauvres et des pays riches et sèment la terreur à travers le monde. Son règne est basé sur la droiture, la vérité, le respect et le bien-être des gens.
Dans saint Marc, Jésus explique à ses disciples le fondement du pouvoir et de la royauté : «Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands personnages leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera au service de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Marc 10, 42-45)
Cette fête du Christ Roi nous invite à réfléchir sur la Royauté de service proposé par Jésus et à agir selon sa vérité, afin de transformer notre monde.
Honorer le Christ-Roi, ne consiste pas à faire brûler de l’encens devant la statue du Christ, ou à organiser des cérémonies triomphales, comme celles que célèbrent les puissants de la terre. Honorer le Seigneur, c’est «écouter sa voix» et conformer notre vie familiale, professionnelle et sociale, à la sienne. «Toute personne qui appartient à la vérité écoute ma voix.»
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-B/R-B63-Dim34-Roi.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.