Rabbouni que je retrouve la vue

« Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10, 46b-52)

Que veux-tu que je fasse pour toi ?

 

Nous arrivons à la fin de la section d’évangile où le Christ propose à ses apôtres les conditions nécessaires pour être son disciple. Il a parlé de mariage, d’argent, de travail, d’exercice d’autorité, d’ouverture aux autres, de pardon, de partage, de service. À la fin de toutes ces réflexions, à travers Bartimée, le pauvre aveugle assis sur le bord du chemin, Jésus nous propose une «nouvelle vision de la vie».

Dans l’évangile de saint Marc, nous assistons à la guérison de deux aveugles : la première au chapitre 8, 22-26 et, un peu plus loin, à celle d’aujourd’hui. Entre ces deux miracles, à trois occasions, Jésus annonce sa passion, suivie chaque fois de l’incompréhension des apôtres qui sont aveugles et ne saisissent pas le sens de ses paroles. Pendant la montée vers Jérusalem, Jésus fait une dernière tentative pour leur ouvrir les yeux sur sa véritable identité et sur les exigences de l’appel à le suivre.

Marc fait de cette rencontre avec Bartimée une véritable catéchèse baptismale. C’est ainsi que l’on comprise les premiers chrétiens. Au temps de l’évangéliste, le baptême était appelé  «l’illumination». C’était le sacrement qui ouvrait les yeux des nouveaux chrétiens. «Rabbouni, fais que je voie! Ouvre mes yeux, Seigneur!»

La guérison de la cécité fait parti de l’expérience chrétienne. Le messie est «la lumière des nations qui ouvre les yeux aux aveugles» (Is 42, 6-7). Jésus dans la synagogue de Nazareth, avait défini sa mission, en faisant appel au texte d’Isaïe. «L’esprit du Seigneur est sur moi; il m’a consacré, et il m’a envoyé annoncé aux pauvres la bonne nouvelle, afin de proclamer aux prisonniers la libération et redonner la vue aux aveugles.» (Luc 4, 18)

L’aveugle Bartimée est l’icône de la détresse et de la pauvreté. Cet homme, assis le long de la route, enveloppé dans son manteau, est totalement dépendant des autres. La route est une invitation à la marche, au déplacement, à la découverte, mais ce pauvre homme est littéralement cloué au sol.

La situation d’aveuglement s’applique à chacun de nous. Nous sommes souvent comme le pauvre homme qui demande l’aide du Seigneur :

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Mon travail n’a pas de sens. Je suis comme un robot. Je suis un numéro dans l’usine, mon opinion de compte pas. Je suis trop vieux pour trouver un autre emploi et trop jeune pour prendre ma retraite. Tout ce qui compte c’est le chèque à la fin de la semaine... et il semble que ce n’est jamais assez. Je suis aussi aveugle que le pauvre homme de l’évangile.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Je passe la plus grande partie de mon temps toute seule dans ma résidence pour personnes âgées. Mes enfants ne viennent plus me voir. Ils ne téléphonent jamais. Je ne suis plus capable de travailler, de produire, donc je ne sers à rien. Je me sens complètement inutile. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Notre mariage est en ruine. Mon mari refuse d’aller voir un conseiller matrimonial. Nous ne voulons pas divorcer car les enfants ont besoin de nous. Il semble que nous sommes condamnés à nous endurer, à nous chamailler, à mettre de plus en plus de distances entre nous, à mourir dans une solitude à deux. Je ne vois aucune solution possible. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Je suis complètement dépendant de la drogue, je suis alcoolique, je me meurs de cancer, je vieillis très mal, ma maigre pension ne me permet jamais d’arriver à la fin du mois, je suis plein d’angoisse et de haine, je ne sais pas pardonner. Je suis comme ce pauvre aveugle le long du chemin.

Grâce au Christ, nous pouvons retrouver la vue, découvrir le sens de la vie, du travail, de la famille, des responsabilités civiques, de la maladie, de l’épreuve et de la mort.

Bartimée était pauvre, dépendant des autres, aveugle, comme nous le sommes souvent devant beaucoup de problèmes de notre vie. Le monde est plein d’aveugles qui ne savent d’où ils viennent, où ils vont, ce que la vie signifie, comment affronter la souffrance et la mort. Pour les chrétiens de tous les temps, l’aveugle de Jérico reste le modèle du croyant et du disciple qui reçoit le don de la vue et qui est prêt à suivre le Christ.

La foi nous donne des yeux nouveaux. Elle nous permet de voir le monde à travers les yeux de Dieu qui illumine et donne un sens à l’existence personnelle et communautaire de chaque jour.

Nous avons besoin de cette lumière pour nous-mêmes mais aussi pour la transmettre aux autres autour de nous: «Vous êtes la lumière du monde», nous dit le Christ... «Que votre lumière resplendisse devant les hommes et que voyant vos bonnes oeuvres, il glorifie votre Père céleste» (Matthieu 5, 1-14). Si nous ne le faisons pas, nous sommes comme des lampes allumées que l’on place sous le lit et qui n’éclaire personne.

«Je suis la lumière du monde, dit Jésus, celui qui me suit aura la lumière de la vie.» - «Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres» Le Christ veut éclairer notre vie et nous redonner la joie de vivre. «Que veux-tu que je fasse pour toi? Seigneur, que je vois».

 

Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-B/R-B58-Dim30.htm

Réflexion sur l'évangile du 30e dimanche ordinaire, B

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.