Jacques et Jean font penser à certains politiciens qui, à la dernière minute, se rallient au candidat gagnant pour devenir ministres dans son cabinet. Cette démarche des deux disciples provoque la colère et la jalousie des dix autres qui «avaient entendu» et qui, eux aussi, voudraient avoir de bonnes places dans le Royaume de Dieu. Jésus, avec beaucoup de patience, reprend alors son enseignement sur le service et se donne en exemple affirmant que «le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.»
Le Seigneur nous présente une image réaliste de l’autorité dans le monde de tous les temps. Ils sont si nombreux ceux qui utilisent les postes de direction pour s’enrichir, grimper dans l’échelle sociale, gonfler leur ego, abuser du pouvoir : «Les chefs des nations dominent sur elles en maîtres». Si le critère d’action est la recherche de ses propres intérêts, alors les relations en souffrent et l’injustice s’installe. Notre monde devient alors un champ de bataille où chacun tente d’écraser l’autre et de profiter le plus possible de la situation. On abuse alors des faibles, des pauvres, des sans voix qui sont considérés comme des êtres de peu d’importance. Avec la Commission Charbonneau, nous découvrons aujourd’hui les ravages que peuvent produire de tels abus, tous reliés à l’argent malhonnête.
La télévision américaine affirmait que, selon les sondages, 60% des jeunes Américains avouent tricher aux examens et qu’il n’y avait pas de mal à le faire. Ces statistiques s’appliquent probablement aussi à notre pays. Ce qui est important, c’est de se tailler une place dans le monde et, pour y arriver, tous les moyens sont bons. Vous vous imaginez quel genre d’adultes de tels comportements peuvent produire ! La fin justifie les moyens. Une telle attitude ouvre la porte à toutes les collusions et toutes les corruptions.
Dans un monde de pouvoir et de cupidité, si la torture permet d’obtenir certaines informations, il faut l’utiliser, même si c’est contre toutes les conventions internationales; si des femmes et des enfants sont tués en lançant un missile sur un terroriste ou un ennemi de notre pays, il faut accepter ces «dommages collatéraux»; si le contrôle du pétrole demande une guerre préventive, il faut la déclencher; si l’on doit placer des bombes et tuer des dizaines d’innocents pour lutter contre les envahisseurs, c’est un mal nécessaire; si, afin de faire des revenus exceptionnels, les banques doivent prendre des risques qui mettent tout le système économique en danger et que la cupidité de leurs dirigeants conduit à la faillite de millions de petits épargnants, ça fait parti du jeu de notre capitalisme sauvage, etc., etc. La fin justifie les moyens.
Dans notre l’Église, on a parfois utilisé la même logique de la cupidité et du gain. Si, pour avoir de bonnes relations avec les pays chrétiens envahisseurs, il faut «corriger et adapter» la théologie et la pastorale, comme ce fut le cas pour l’esclavage, le traitement des autochtones en Amérique du Sud, la chasse aux premières nations en Amérique du Nord, l’asservissement des colonisés en Afrique et en Asie, c’est le prix qu’il faut payer pour conserver la faveur des conquistadores et des colonisateurs. Pendant l’époque soviétique, en Europe de l’Est, plusieurs évêques ont accepté de collaborer avec le régime athée afin de conserver leur palais et leurs titres. Il y a quelques années, au Zaïre (aujourd’hui la République du Congo), bon nombre de nouveaux évêques recevaient en cadeau, du chef d’État Mobutu, une belle résidence et une voiture Mercedes-Benz. Allez donc reprocher au dictateur ses abus de pouvoir et les injustices commises contre son peuple après avoir accepté de si généreux cadeaux!
Dans l’Église du Christ, il faut renoncer totalement à la carrière, aux titres, aux places honorifiques! Un seul principe : le service humble et fraternel. Pour qualifier la responsabilité de ceux qui jouent un rôle particulier au sein de la communauté chrétienne, on emploie le terme «ministère», mot qui signifie «service» en latin! Il n’y a pas de «chefs» au sens du monde, dans l’Église du Christ. Il n’y a que des «ministres», des «serviteurs». C’est pourquoi le Christ recommandait d’abolir tous les titres mirobolants. Malheureusement, après 2000 ans de christianisme, nous n’avons pas encore réussi à le faire. Pour ce qui est des vêtements somptueux, un théologien italien affirmait que le seul vêtement liturgique mentionné dans les évangiles est «le tablier». Le soir du Jeudi Saint, «Jésus se lève de table, dépose ses vêtements et prenant un tablier, il s’en ceignit» pour laver les pieds de ses disciples. (Jean 13, 4) Le Christ exclut catégoriquement, dans la communauté chrétienne, le modèle de pouvoir exercé dans le monde : «Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous.»
Chez les chrétiens, la loi du service n’est pas seulement une loi parmi d’autres, c’est la «Constitution de l’Église» : chacun doit être le serviteur de tous! Ce qui compte, ce n’est pas l’avancement, la carrière, les titres, les décorations, les places d’honneur! Un seul principe : le service. Le Christ disait : «Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir». C’est sans doute l’une des phrases les plus importantes de l’évangile. Selon Jésus, le christianisme doit devenir une industrie de services où il n’y a jamais de chômage. Il y a du travail pour tous.
Le Royaume de Dieu, dont nous espérons la venue chaque fois que nous prions le Notre Père («Que ton Règne vienne») est un royaume de service, de compassion, de pardon et d’amour. Et le plus grand dans ce royaume est celui ou celle qui est prêt à donner un coup de main, à partager, à venir en aide. «Que celui ou celle qui veut être le plus grand se fasse le serviteur de tous.»
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-B/R-B57-Dim29.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.