Mission des Apôtres_002

Si ton frère ou ta soeur a commis un péché....

Publié : Sep-08-2023

Le chapitre 18 de saint Matthieu contient le quatrième grand discours de son évangile. Après le discours sur la montagne (ch. 5 à 7), le discours missionnaire (ch. 10) et le discours en paraboles (ch. 13), nous avons maintenant le discours communautaire qui parle des relations entre les membres de la communauté chrétienne. Les experts appellent ces recommandations de Jésus «l’enseignement sur la vie communautaire». Il est bon de lire ce discours, de le méditer sous cet angle communautaire car nous faisons toujours parti d’un groupe, que ce soit dans la famille, dans la paroisse, sur le lieu de travail ou avec nos amis.

Le Christ nous dit ce matin que la communauté ne doit pas ériger de barrières définitives, elle doit toujours garder les portes ouvertes et la lumière allumée. La communauté chrétienne ne se résigne jamais à la perte définitive d’un frère ou d’une soeur. Elle se montre toujours capable d’accueillir, de pardonner, de se réconcilier, de permettre le retour de celui ou de celle qui s’est éloigné. Et il doit y avoir un air de fête lorsque la soeur ou le frère qui a quitté la famille pour aller vivre au loin réapparait à l’horizon (histoire du retour de l’enfant prodigue).

Les sociologues affirment que l’homme d’aujourd’hui est porté à un individualisme à toute épreuve : «chacun pour soi.» Dans l’évangile, le Christ condamne cette attitude et nous rappelle que nous sommes une «race communautaire». Nous sommes responsables les uns des autres. Dans la lettre aux Romains, St Paul a une phrase extraordinaire: «N’ayez de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel. Car celui qui aime autrui a de ce fait accompli la Loi.» (Rm 13, 8)

Il y aura toujours des tensions dans les couples, entre parents et enfants, avec nos amis, nos voisins, nos collègues de travail. Malheureusement, dans certains groupes, dans certaines familles, les ruptures durent pendant des années et parfois ne disparaissent qu’avec la mort de ceux et celles qui les ont entretenues. Certains refusent simplement de se réconcilier. Dans ces situations de conflits, le chrétien ne doit jamais se résigner à la perte de quelqu’un.

Aujourd’hui, Jésus nous propose une façon de faire pour essayer de résoudre les difficultés de communication qui apparaissent entre nous : la correction fraternelle. Dans notre mentalité moderne, cela semble insolite, mais à bien y penser, c’est peut-être la manière la plus efficace de régler les conflits.

Il faut un certain courage pour aller trouver quelqu’un et lui parler de ses lacunes, de ses faiblesses, alors que nous sommes loin d’être parfaits et ne sommes pas exempts de torts. Habituellement, nous faisons le contraire de ce que Jésus nous suggère dans l’évangile : au lieu de rencontrer la personne et de lui parler discrètement, nous faisons des insinuations malveillantes dans son dos, portons des accusations sournoises, pratiquons allègrement la médisance, détruisons la réputation de l’autre. Le Christ nous dit ce matin : tout ceci n’est pas chrétien.

Pour le Christ, la cohérence du groupe, l’amour de l’autre est ce qu’il y a de plus important.

Il existe, hélas, des «redresseurs de torts» qui, dans une attitude de critique systématique, se mêlent de tout et sont toujours prêts à faire la leçon à tout le monde. Des torts irréparables sont causés par ces êtres vindicatifs et irréfléchis. Ce serait défigurer la pensée de Jésus que de condamner, d’accabler les pécheurs. Tout l’évangile nous dit précisément le contraire et le contexte immédiat du «discours communautaire» ne parle que de délicatesse et de miséricorde envers les autres. Tout juste avant le passage que nous lisons aujourd’hui, Jésus a raconté la parabole de la brebis perdue : «Gardez-vous de mépriser quiconque... votre Père ne veut qu’aucun de ces petits ne se perde» (Matthieu 18, 14). Et tout de suite après notre texte, Jésus va demander à Pierre de pardonner «non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois» (Matthieu 18, 21).

Le but de la correction fraternelle n’est pas d’humilier, mais de réconcilier. Il ne s’agit pas d’avoir raison et de montrer que nous sommes meilleurs que l’autre : «Si ton frère t’écoute, tu auras gagné ton frère». Voilà le but recherché, le prix de la rencontre, la grande récompense : non pas de gagner un argument, de prévaloir sur l’autre, de l’humilier, mais bien de «gagner son frère en tant que frère». Il ne s’agit pas de la satisfaction mesquine d’avoir raison, mais de la joie de constater que l’ouverture à l’autre a porté fruit.

Le but de la correction fraternelle est d’éviter que l’autre ne soit humilié et marginalisé. La communauté qui s’efforce de la pratiquer connaît bien la parabole «de la poutre dans ton oeil et de la paille dans l’oeil du voisin». (Matthieu 7, 1-5) Lorsque nos rencontrons quelqu’un qui a péché, nous dit le Christ, nous devons avoir la même attitude que le père de l’enfant prodigue qui le reçoit à bras ouverts, montre à tous qu’il est toujours le fils bien-aimé et fait la fête pour tout le village.

La société actuelle nous pousse dans la direction d’un individualisme anarchique et le bien commun vient loin derrière. Pour le Christ, la cohérence du groupe, l’amour de l’autre est ce qu’il y a de plus important. «Si tu apportes ton offrande à l’autel et te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens présenter ton offrande» (Matthieu 5, 23-24). C’est dans ce climat de réconciliation que le Christ nous invite à la correction fraternelle : Si ton frère ou ta sœur a commis un péché, va lui parler seul à seul...

 

Sourcehttps://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-A/R-A50-Dim23.htm

Réflexion sur l'évangile du 23e dimanche ordinaire, A

Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.