Des environs de Tyr et de Sidon, sur les côtes du Liban, Jésus et ses disciples se rendent au pied du mont Hermon dont les cimes enneigées dominent le Lac de Galilée. C’est ici que le Jourdain prend sa source. Vers l’an 2 avant Jésus Christ, dans ce site enchanteur de fraîcheur et de verdure, près de la grotte du dieu Pan, le roi Hérode-Philippe II a fait construire une ville de villégiature à laquelle il a donné le nom de Césarée de Philippe, pour honorer l’empereur César.
Nous sommes à un point tournant dans la composition de l’évangile de Matthieu. Après le meurtre de Jean Baptiste, Jésus a quitté la Galilée. Il évite maintenant les foules et se consacre entièrement à ses apôtres à qui il va dévoiler le mystère de sa passion. Le Messie souffrant, humilié devient le point central de sa prédication.
Jésus sait ce que l’on pense de lui. Il pose quand même la question : «Le Fils de l’Homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ?» Les réponses sont variées : Jean-Baptiste ressuscité, Elie dont on attend le retour, Jérémie, un des grands prophètes... Et les Douze n’osent pas lui rappeler ce que disent de lui les chefs religieux : un hérétique, un possédé, un séducteur, un glouton, un ivrogne. Le Christ pose alors la question très personnelle : «Mais pour vous, qui suis-je ?»
C’est Pierre qui donne la réponse au nom des douze : «Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant». Il est évident que cette réponse n’a été bien comprise par Pierre et par les apôtres qu’après la résurrection, même si l’évangéliste l’utilise ici, avant l’entrée de Jésus à Jérusalem. Dans le quatrième évangile, S. Jean mentionne une autre profession de foi de Pierre. Lorsque les disciples, en grand nombre, abandonnent le Seigneur, celui-ci demande à ses apôtres : «Voulez-vous partir vous aussi ?» Et Pierre répond : «À qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.» (Jean 6, 67)
Pierre est souvent celui qui parle au nom des autres. C’est un impulsif et il fait souvent des gaffes. Mais malgré toutes ses lacunes, il aime le Christ et est choisi par lui pour être le fondement de l’Église. Il faut nous rappeler ici que Jésus est le constructeur de l’Église, et non Pierre : «Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église». Jésus promet au chef des apôtres un charisme spécial : «J’ai prié pour toi afin que ta Foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères et soeurs.» (Luc 22. 32)
L’autorité conférée à Pierre n’est pas une autorité de pouvoir, mais est une autorité de service. C’est pour bien exprimer ce genre d’autorité que Jésus insiste pour lui laver les pieds le soir du Jeudi saint, et ce malgré les réticences du pêcheur de Galilée. Pierre et les apôtres reçoivent les clés du Royaume, afin d’en ouvrir les portes à tous. On se rappelle que le Christ avait accusé les scribes et les pharisiens de fermer l’entrée du Royaume de Dieu : «Malheur à vous scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux autres le royaume des cieux! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrer ceux qui le voudraient.» (Mt 23, 13) Jésus ne veut pas que l’on fasse comme les scribes et les pharisiens dans son Église.
Le rôle de Pierre est aussi d’être un symbole d’unité dans l’Église. C’est ce qui se produit au premier concile de Jérusalem lorsque quatre ou cinq groupes expriment des idées différentes sur l’adhésion des non-Juifs au christianisme. C’est Pierre qui a su rallier Paul le libéral, Jacques le conservateur, les grecs de la gauche, et les pharisiens chrétiens de la droite. Ils se sont tous mis d’accord autour de Pierre qui a expliqué ce qui lui était arrivé chez le centurion romain : «Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé.». (Actes des Apôtres 11, 9)
Pierre est donc celui autour duquel les Chrétiens font l’unité. À travers les siècles, ça n’a pas toujours été le cas avec les successeurs de Pierre, mais aujourd’hui les gestes d’unité et de réconciliation se multiplient : Paul VI et Jean-Paul II avec les orthodoxes, les protestants et les leaders des autres religions, Benoît XVI dans la synagogue de Cologne. Le rôle principal du Pape est de promouvoir l’unité : d’abord à l’intérieur de l’Église (entre les partisans de la droite et les partisans de la gauche), ensuite avec ceux qui ont pris leur distance de Rome (les protestants et les orthodoxes), et avec les membres d’autres religions.
L’unité est importante car c’est ensemble que nous participons à la vie du Royaume. Le Concile Vatican II a défini l’Église comme le «peuple de Dieu». Il est impossible d’être chrétien et d’avoir la foi seul. La non-pratique religieuse, l’éloignement de la communauté chrétienne provoquent souvent l’atrophie et la disparition de la foi. Lorsque les gens disent qu’ils sont des chrétiens pratiquants, ils veulent souvent dire qu’ils vont à la messe le dimanche. Mais être «chrétien pratiquant», c’est beaucoup plus que d’assister aux liturgies dominicales. C’est aussi pratiquer la justice, la fraternité, l’hospitalité, le respect des autres, agir avec justice dans les affaires, pardonner les offenses, aimer ses ennemis, être des promoteurs de paix, refuser la violence, être tolérant...
Dietrich Bonhoeffer un grand théologien et un pasteur protestant très connu, pendu par les Nazis pour ces idées religieuses et pour sa défense des Juifs, posait à ses paroissiens de Berlin la question suivante : «Si aujourd’hui on vous accusait d’être chrétien, est-ce qu’on trouverait suffisamment de preuves pour vous condamner?» Bonhoeffer savait l’importance de la fidélité aux exigences de l’évangile.
L’apôtre des pauvres, l’abbé Pierre, affirmait : «Lorsque nous arriverons à la fin de notre vie, on ne nous demandera pas si nous avons été croyants, mais si nous avons été crédibles», c’est-à-dire si nos actions correspondent à notre profession de foi! «Ce ne sont pas ceux et celles qui disent : Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux et celles qui font la volonté de mon Père.»
Le christianisme est une grande espérance mais il a ses exigences évangéliques. Nous devons continuellement vérifier notre pratique religieuse et notre adhérence au Christ à la lumière de l’évangile. La réponse à la question du Christ : Pour vous, qui suis-je? déterminera le genre de chrétien que nous sommes.
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-A/R-A48-Dim21.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.