Le Christ a une vision réaliste de notre monde. Il n’est ni un optimiste qui ne voit pas le mal, ni un pessimiste qui ne trouve rien de bon autour de nous. Notre humanité est un mélange de bien et de mal, de «grâce et de péché». Dans notre propre coeur, les deux existent côte à côte.
La perfection n’est pas de ce monde. C’est vrai pour la nature en général : les ouragans, les tempêtes tropicales, le verglas, les tremblements de terre, les feux de forêts, les inondations, les sécheresses nous affligent régulièrement. C’est vrai pour les moissons : le chiendent et les mauvaises herbes germent avec le blé, les légumes et les fleurs. C’est vrai aussi pour chacun de nous. S. Paul disait : «Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas». (Romains 7, 19)
Dans la vie quotidienne, les gens tombent en amour et envisagent l’avenir avec beaucoup d’espoir et de projets merveilleux. Puis arrivent les chicanes de ménage, les problèmes d’argent, les maladies, les infidélités, les séparations, les divorces, les enfants qui sont échangés entre la mère et le père et qui souffrent de ces tractations souvent agressives et haineuses. Ce sont des réalités quotidiennes.
Le message de la patience de Dieu est celui que le Christ a proclamé toute sa vie, lui qui est allé vers ceux et celles qui sont blessés, brisés, désorientés : les prostituées, les gens malhonnêtes, les scribes, les prêtres, les politiciens, les collecteurs d’impôts. Pour le Christ, il n’y a rien de fixé d’avance et tout peu changer. Il ne désespère jamais de transformer l’ivraie de nos coeurs en bon grain! Nous avons des milliers d’exemples de ce phénomène dans le Nouveau Testament et dans les chroniques du christianisme : Zachée, Marie Madeleine, la Samaritaine, Pierre, Paul, Augustin, François d’Assise, Ignace de Loyola… L’histoire est remplie de grands pécheurs qui sont devenus des saints.
Nous connaissons tous des personnes qui, avec l’aide d’un parent, d’un voisin, et avec la grâce de Dieu, ont réussi à changer l’orientation de leur vie. Je pense à un alcoholique qui dépensait une bonne partie de ses revenus pour se procurer de la boisson. Son alcoolisme le détruisait et rendait la vie impossible à sa famille. Grâce à un ami qui l’invita à joindre les Alcooliques Anonymes (AA), il accepta un jour de chercher de l’aide. Non seulement il arrêta de prendre de la boisson, mais il commença à aider d’autres personnes qui avaient le même problème que lui. Il est encore alcoolique (la maladie reste présente) mais ça fait maintenant 15 ans qu’il ne prend plus d’alcool. Il proclame bien haut que grâce à son ami et grâce à Dieu il est redevenu un bon mari et un père plein de tendresse.
Le Règne de Dieu possède une force extraordinaire qui peut nous transformer de fond en comble. Le Seigneur ne condamne pas les pécheurs, ne les juge pas mais les accueille et mange avec eux : «Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui». (Jean 3, 17)
L’évangile de ce matin veut nous délivrer de nos préjugés et de nos sectarismes, de nos jugements trop sévères et trop hâtifs envers les autres. Dieu n’a jamais voulu une Église de «purs», mais une assemblée de gens fragiles qui tombent et se relèvent, qui se repentent et sont pardonnés. Ce n’est pas l’affaire des chrétiens et de l’Église de provoquer des inquisitions, des chasses aux sorcières, des purges pour libérer le terrain. Dieu seul connait le fond des coeurs. En tant que chrétiens, nous n’avons aucunement l’autorité de prononcer le jugement final sur quelqu’un d’autre, car nos sentences sont souvent injustes et faussées par nos préjugés et nos partis-pris. Nous nous laissons facilement influencer par les médias et par les majorités : «C’est écrit dans les journaux!»
En Allemagne, avant la deuxième guerre mondiale, 85% des journalistes étaient en faveur d’Hitler. Ils ont beaucoup influencé la suite des événements et cela a coûté la vie à 50 millions de personnes. Aujourd’hui, la majorité des médias d’information sont en faveur de comportements qui vont à l’encontre de nos valeurs chrétiennes. Cela ne donne pas une légitimité à ces façons de faire. Ce n’est pas à nous de juger, mais c’est à nous d’agir selon notre conscience chrétienne.
Souvent, nous croyons nécessaire de nous ranger du côté de la majorité, de suivre les sondages. Aux États-Unis, au temps de Lincoln, la grande majorité des gens était en faveur de l’esclavage. Abolir cette barbarie sociale serait un désastre économique! Aujourd’hui, des millions de personnes sont contre la réglementation sur l’environnement : ça coûterait trop cher à l’industrie! Pendant ce temps, nous subissons les changements rapides de la température et souffrons des conséquences qui vont avec ce phénomène de dégradation.
Le Christ nous dit aujourd’hui : ne vous laissez pas piéger par «ce que pensent tout le monde, attention aux jugements hâtifs». Avant de juger, laissez entrer dans vos raisonnements les critères évangéliques.
Et avant d’être intolérants envers les autres, soyez critiques envers vous-mêmes. C’est la parabole de la paille dans l’œil de l’autre et la poutre dans le nôtre. Si nous avons envie de juger, commençons par nous-mêmes. Cela calmera nos ardeurs de justiciers vindicatifs et arrogants. «Ne jugez pas, afin de n’être pas jugés ; car du jugement dont vous jugez on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez on vous mesurera».
Source: https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-A/R-A43-Dim16.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.