S. Luc, dans son évangile, nous présente Jésus comme le grand pèlerin, continuellement sur les routes de Palestine et sur la route conduisant à Jérusalem. Deux fois avant sa naissance, il se retrouve en chemin : lorsque Marie va rendre visite à sa cousine Élisabeth et pendant le voyage de Marie et Joseph de Nazareth à Bethléem où il naîtra. Pendant ces deux premiers voyages, il est dans le sein de sa mère. «C’est ainsi que s’initie la grande marche qui traverse toute l’œuvre de S. Luc», nous dit l’exégète A. Stóger. Jésus se présentera un jour comme «le chemin». Il est bon de nous rappeler que les premiers disciples, avant de recevoir le nom de «chrétiens» à Antioche de Syrie, s’appelaient entre eux «les disciples du chemin».
Luc ne s’intéresse pas seulement aux déplacements géographiques de Jésus. Ces détails de voyage sont pour lui une annotation théologique. La route est le lieu de la révélation et de la mission du Seigneur. La Parole de Dieu est venue du ciel jusqu’à Nazareth. Elle vient aujourd’hui de Nazareth à Jérusalem, prélude de cette grande «montée vers la ville du Temple» qui rythmera la fin de la vie de Jésus. Et, dans les Actes des Apôtres de S. Luc, la Parole de Dieu partira de Jérusalem pour se répandre en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre.
Dans le texte d’aujourd’hui, Marie parcourt 150 km, à pied! Elle se dirige vers Jérusalem. Aïn Karem en banlieue ouest, à 6 km du centre ville, est aujourd’hui le campus universitaire de la Faculté de Médecine de Jérusalem, avec le grand hôpital Hadassah.
Le récit de la montée de Marie vers Jérusalem, «une ville de la montagne de Judée», semble reproduire celui du transfert de l’arche d’alliance, au temps du roi David. (2 Samuel 6) Comme l'Arche, Marie entreprend un voyage qui la mène de Galilée en Judée à travers les montagnes de Samarie. La même manifestation de joie a lieu, y compris la danse sacrée accomplie par Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, correspondant à celle de David devant l'Arche. Et l'exclamation d'Elisabeth saluant Marie reproduit presque verbalement celle de David lorsqu'il se tient devant l'Arche.
Marie est la véritable Arche d'Alliance, symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Elle apparaît ici comme la femme qui assure à Israel la présence de Dieu et la victoire définitive sur le mal. Elle inaugure l’ère messianique où le péché et le malheur seront abolis.
Le parcours de la Bonne Nouvelle se fait d’abord dans le cadre le plus intime : à la maison, entre parents, entre cousines. C’est ainsi que normalement la foi se transmet.
Marie est une jeune fille inconnue de la province de Galilée, l’épouse d’un charpentier : des gens du peuple, honnête et bons mais, selon les scribes et les pharisiens, indignes de recevoir la révélation de Dieu. Ce sont des pauvres gens vivant en marge de l’histoire écrite par les empereurs et par les puissants de ce monde.
La pensée de Dieu est différente de la nôtre : «Je te rends grâce, o Père, d’avoir caché ces choses aux savants et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits». (Matthieu 11, 25)
C’est ainsi que Dieu a choisi Bethléem pour y naître dans un abri de fortune, et les pauvres pasteurs seront les premiers à le visiter et à le reconnaître. Comme le dira si bien S. Paul : «Dieu a choisi ce qui dans le monde est faiblesse pour confondre les forts et les puissants » (1Corinthiens 1,27).
Malgré le peu d’information sur Marie dans les évangiles, nous retrouvons une disponibilité sans limite depuis le commencement jusqu’à la fin, depuis Nazareth jusqu’à la Pentecôte, en passant par les doutes de Joseph, la pauvreté de Bethléem, la prophétie de Siméon, la fuite en Égypte, la perte de l’enfant à Jérusalem, les noces de Cana, la séparation avec son fils pendant la vie publique de Jésus, la présence de Marie au pied de la croix, l’accompagnement des disciples au Cénacle, attendant l’Esprit Saint.
La foi de Marie s’est développée à travers les années. Elle a grandi en devenant plus mature au fil des événements de salut. «Elle gardait tout cela dans son cœur», nous dit S. Luc, et elle relisait ce qui se passait à la lumière de sa foi.
Ce qu’il y a de plus admirable chez Marie, ce n’est pas qu’elle soit immaculée dans sa conception ni même qu’elle soit la Mère de Dieu. Sa cousine Élisabeth a très bien compris la source de sa grandeur en la félicitant pour sa foi : «Heureuse toi qui as cru à l’accomplissement de la parole du Seigneur».
Marie a cru à l’amour fou de Dieu, à cet amour qui a poussé le Christ à venir habiter parmi nous, à être l’un de nous.
«Heureuse toi qui a cru». C’est la première béatitude prononcée par Élisabeth. La dernière nous viendra de Jésus ressuscité : «Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu».
Heureuse Marie, toi qui a cru à l’accomplissement de la parole du Seigneur
Source : https://www.cursillos.ca/formation/reflexions-dominicales/annee-C/R-C04-avent4.htm
Par le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.