Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
L’Église célèbre dimanche 24 novembre 2024 la solennité du Christ-Roi de l’Univers, marquant ainsi la fin de l’année liturgique B, et date à laquelle se célèbre la 39e Journée mondiale de la jeunesse. Cette fête liturgique «nous invite à nous tourner vers lui, le Seigneur, origine et accomplissement de toutes choses (cf. Col 1, 16-17), “dont la royauté ne sera pas détruite“» (Dn 7, 14), a expliqué le Pape François au début de son homélie aux quelques milliers de fidèles et pèlerins réunis dans la basilique Saint-Pierre. «C’est une contemplation qui élève et enthousiasme», a-t-il ajouté, faisant remarquer cependant que, si nous regardons autour de nous, ce que nous voyons semble différent, et des questions inquiétantes peuvent surgir en nous.
Dans un contexte mondial marqué, en effet, par des guerres, des violences et des désastres écologiques, sans oublier les défis que «vous aussi, chers jeunes, devez affronter en regardant l’avenir: la précarité du travail, l’incertitude économique et autres, les divisions et les disparités qui polarisent la société», l’on peut se poser la question de savoir pourquoi tout cela se produit, ou encore ce qu’il faudrait faire pour ne pas être écrasés par cela. «Des questions difficiles, mais importantes», a souligné François.
C’est pourquoi aujourd’hui, alors que se célèbre la Journée mondiale de la jeunesse dans toutes les Églises, sous le thème «Ceux qui espèrent dans le Seigneur marchent sans se fatiguer», le Saint-Père a voulu proposer, tout particulièrement aux jeunes, de réfléchir, à la lumière de la Parole de Dieu, sur trois aspects qui peuvent nous aider à poursuivre courageusement notre chemin, à travers les défis que nous rencontrons. «Ces aspects sont les accusations, les consensus et la vérité».
Premièrement les accusations. Poursuivant son homélie, François a souligné que l’Évangile d’aujourd’hui nous présente Jésus dans la peau de l’accusé (cf. Jn 18, 33-37). «Il est –comme on dit– “à la barre”, au tribunal. Il est interrogé par Pilate, le représentant de l’Empire romain, a-t-il expliqué, dans lequel nous pouvons voir tous les pouvoirs qui dans l’histoire oppriment les peuples par la force des armes».
L’évêque de Rome s’est arrêté principalement sur cette image de Pilate qui ne s’intéresse pas à Jésus, et fait donc plaisir aux puissants ennemis de ce prophète sans défense: «il lui fait un procès et menace de le condamner à mort». Toutefois, a poursuivi le Pape, «le Christ qui n’a jamais prêché que la justice, la miséricorde et le pardon, n’a pas peur, ne se laisse pas intimider, ne se rebelle pas: il reste fidèle à la vérité qu’il a proclamée, jusqu’au sacrifice de sa vie».
S’adressant particulièrement aux milliers de jeunes réunis dans la basilique Saint-Pierre qui, à cause du Christ, ont été peut-être déjà «accusés» ou se sont sentis mal à l’école, entre amis, dans les milieux qu’ils fréquentent, parce qu’ils sont fidèles à l’Évangile et à ses valeurs, le Successeur de Pierre les a invités à adopter l’attitude de Jésus face à la mort. «Vous, cependant, n’ayez pas peur des “condamnations”, ne vous inquiétez pas: tôt ou tard les critiques et les fausses accusations tombent et les valeurs superficielles qui les soutiennent se révèlent pour ce qu’elles sont, des illusions», a-t-il rassuré. En effet, a-t-il renchéri, «ce qui reste, comme nous l’enseigne le Christ, c’est autre chose: ce sont les œuvres de l’amour. C’est cela qui reste et qui rend la vie belle! Le reste ne compte pas. C’est pourquoi je le répète: n’ayez pas peur des “condamnations” du monde. Continuez à aimer!», a insisté l'évêque de Rome en invitant les jeunes à être concrets, «car la réalité est concrète et l'amour se concrétise dans les oeuvres».
Ensuite, le Pape s’est focalisé sur cette phrase de Jésus à Pilate: «Ma royauté n’est pas de ce monde» (Jn 18, 36). Réfléchissant sur la signification de cette déclaration du Christ qui ne fait rien pour garantir son succès, François a expliqué qu’en réalité, «Jésus se comporte ainsi parce qu’il rejette toute logique de pouvoir (cf. Mc 10, 42-45). Il est libre de tout cela!». Une invitation lancée aux fidèles à suivre son exemple «en ne vous laissant pas contaminer par le désir –si répandu aujourd’hui – d’être vu, approuvé et loué». Ceux qui se laissent prendre, en effet, par ces fixations finissent par vivre dans la détresse, a-t-il poursuivi, précisant «qu’ils en sont réduits à “courir”, à rivaliser, à faire semblant, à faire des compromis, à solder leurs idéaux pour obtenir un peu d’approbation et de visibilité».
Mais Dieu nous aime tels que nous sommes, a rassuré le Souverain pontife: «devant Lui, vos rêves purs valent plus que le succès et la gloire, et la sincérité de vos intentions vaut plus que l’approbation». Ainsi, a-t-il exhorté les fidèles réunis dans la basilique Saint-Pierre, à ne pas se laisser tromper par ceux qui, «en vous séduisant par de vaines promesses, ne veulent en réalité que vous instrumentaliser, vous conditionner et vous utiliser pour leurs propres intérêts».
Plutôt que de se contenter d’être des “stars d’un jour”, sur les réseaux sociaux ou dans tout autre contexte, le Saint-Père a invité les jeunes à se laisser séduire par le ciel de Dieu, «dans lequel l’amour infini du Père se reflète dans nos innombrables petites lumières: dans l’affection fidèle des époux, dans la joie innocente des enfants, dans l’enthousiasme des jeunes, dans le soin des personnes âgées, dans la générosité des personnes consacrées, dans la charité envers les pauvres, dans l’honnêteté du travail». En effet, a-t-il expliqué, «ce n’est pas le consensus qui sauve le monde, ni qui rend heureux, mais la gratuité de l’amour». François a ainsi invité les fidèles «à être libres en harmonie avec votre dignité», plutôt que de se laisser instrumentaliser.
Poursuivant son homélie en la solennité du Christ-Roi de l’Univers, l’évêque de Rome a fait savoir que le Christ est venu dans le monde «pour rendre témoignage à la vérité (Jn 18, 37), et il l’a fait en nous apprenant à aimer Dieu et nos frères (cf. Mt 22, 34-40; 1 Jn 4, 6-7)». C’est seulement là, dans l’amour, a-t-il ajouté, «que notre existence trouve lumière et sens (cf. 1 Jn 2, 9-11)».
En outre, le Christ, qui est le chemin, la vérité et la vie (cf. Jn 14, 6), en se dépouillant de tout et en mourant nu sur la croix pour notre salut, «nous enseigne que ce n’est que dans l’amour que nous pouvons également vivre, grandir et nous épanouir dans notre pleine dignité (cf. Ep 4, 15-16)». Le Pape a donc invité «à nous efforcer de témoigner de la vérité dans la charité, en nous aimant les uns les autres comme Jésus nous a aimés (cf. Jn 15, 12), si nous voulons vivre et non survivre, et à nous méfier de cette maladie du "moi" replié sur lui-même».
Face aux multiples maux qui nous affligent aujourd’hui, et qui peuvent laisser penser qu’ils ont “échappé” à la main de Dieu, le Saint-Père a affirmé que «tout est finalement soumis au jugement du Christ, le Roi juste et miséricordieux (cf. Mt 25, 31-46)». Il nous laisse libres, mais il ne nous laisse pas seuls: «tout en nous corrigeant lorsque nous tombons, il ne cesse de nous aimer et, si nous le voulons, de nous relever, afin que nous puissions reprendre joyeusement notre route». Le Souverain pontife a conclu son homélie en invitant les fidèles à garder les yeux fixés sur Jésus, sur sa Croix et sur Marie. «Ainsi, même dans les difficultés, nous trouverons la force d’aller de l’avant, sans craindre les accusations, sans avoir besoin de consensus, avec notre propre dignité, avec notre propre sécurité d'être sauvés et d'être accompagnés par notre mère, Marie, sans faie de compromis, sans maquillage spirituel, satisfaits d’être pour tous, dans l’amour, des témoins de la vérité».
À la fin de la célébration eucharistique, les jeunes Portugais ont confié aux jeunes Coréens les symboles des Journées mondiales de la Jeunesse: la Croix et l’Icône de Marie Salus Popoli Romani. Cela est un signe, a fait comprendre le Pape. «Une invitation, pour nous tous, à vivre et à porter l’Évangile dans toutes les parties de la terre, sans nous arrêter et sans nous décourager, en nous relevant après chaque chute et en ne cessant jamais d’espérer, comme le dit le message de cette journée: “Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur marchent sans se fatiguer” (cf. Is 40, 31)».
Saluant les jeunes Coréens présents à cette Eucharistie, le Saint-Père leur a confié cette noble mission de porter la Croix en Asie, qui accueillera la prochaine édition des JMJ en 2027 à Séoul, et d'annoncer l'amour du Christ à tous. «Ayez du courage! Ayez le courage de témoigner de l'espérance dont nous avons plus que jamais besoin aujourd'hui. Là où passeront ces symboles, que grandisse la certitude de l'amour invincible de Dieu et de la fraternité entre les peuples », a exhorté François, qui prie pour que la Croix du Seigneur et l'icône de la Vierge Marie soient un soutien et une consolation pour tous les jeunes victimes des conflits et des guerres