Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Dans la dizaine d’heures qu'il passe sur le sol de l’île de Corse, le Pape François a tenu à partager un moment avec le clergé local. Les évêques venus de la France entière, mais aussi de Sardaigne et de Sicile, les prêtres, les diacres, les consacrés et les séminaristes étaient réunis dans la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption, dans le centre d’Ajaccio, pour rencontrer François.
Le Saint-Père a commencé par les remercier: «merci pour votre travail, pour votre engagement quotidien; merci parce que vous êtes signe de l’amour miséricordieux de Dieu et témoins de l’Évangile». Constatant la difficulté dans le contexte européen de transmettre la foi, avec peu de moyens humains, le Pape a estimé que cette «pauvreté est une bénédiction». Non pour elle-même mais bien parce qu’elle «apprend à considérer la mission chrétienne comme une chose qui ne dépend pas des forces humaines mais d’abord de l’œuvre du Seigneur».
Le Saint-Père a insisté en effet sur le primat de la grâce divine, invitant chaque personne consacrée, tous les jours au lever, à se répéter: «ce n’est pas moi qui suis au centre, c’est Dieu». Mais cela ne doit pas dédouaner de la responsabilité d’annoncer le Christ, et de se considérer comme «collaborateurs de la grâce de Dieu», a souligné François en citant saint Paul.
En questionnant son auditoire sur leur vie de consacré ou de prêtre, François a lancé une double invitation: «prenez soin de vous et prenez soin des autres». D’abord, prêtre depuis 55 ans, le Pape sait que le sacerdoce ou le célibat consacré est une offrande de soi. Aussi, assure-t-il que «plus un prêtre, une religieuse, un religieux se donne, se dépense, travaille pour le Royaume de Dieu, plus il est nécessaire qu’il prenne aussi soin de lui-même», au risque de se négliger et de négliger les autres.
C’est ainsi que celui qui est entré chez les Jésuites à l’âge de 22 ans propose une «règle de vie» toute simple, en plus des éventuelles règles religieuses prévoyant des temps de prière et de travail. François encourage chaque personne qui a donné sa vie à Dieu à «préserver quelques moments de solitude; avoir un frère ou une sœur avec qui partager librement ce que nous portons dans notre cœur; cultiver une chose qui nous passionne», non pas pour passer le temps mais pour «se reposer sainement des fatigues du ministère».
«Il faut avoir peur de ces personnes qui sont toujours actives, toujours au centre, qui, peut-être par excès de zèle, ne se reposent jamais», met en garde l’évêque de Rome. Il ajoute également l’importance de la fraternité entre frères et sœurs consacrés, pour passer, comme l’a dit le cardinal Bustillo, «du “Livre des lamentations” au “Livre du Cantique des cantiques”».
“Partageons la joie d’être apôtres et disciples du Seigneur !”
Ensuite, le Souverain pontife reprend le centre du ministère des consacrés: «porter Jésus aux autres, donner aux cœurs la consolation de l’Évangile», à l’image de saint Paul qui revenait de Corinthe lance «et moi, je serai très heureux de dépenser et de me dépenser tout entier pour vous» (2 Co 12, 15).
Pour assurer le bien spirituel des fidèles, et leur «faim d’espérance», il faut trouver des «chemins pastoraux les plus efficaces pour l’évangélisation». Alors que le déplacement du Pape était consacré à la piété populaire, le Pape François encourage à ne pas avoir peur de «changer, de réviser les vieux schémas, de renouveler les langages de la foi, en apprenant en même temps que la mission n’est pas une question de stratégies humaines, mais avant tout une question de foi, une question de passion pour l’Évangile et pour le Royaume de Dieu».
Le Saint-Père a conclu son discours en souhaitant à chacune des personnes présentes «un ministère riche d’espérance et de joie», et dans les moments de fatigue et de découragement à se tourner vers le Seigneur. «Il se manifestera et se laissera trouver si vous prenez soin de vous-mêmes et des autres», a-t-il promis.
Juste avant de débuter la prière de l’Angélus, François a confié à la «Madunnuccia», très vénérée en Corse, tous les peuples en guerre, notamment en Ukraine et au Proche Orient.